2.2 - Les chiens de protection
Attention, loyauté et protection : un chien de protection pleinement efficace doit présenter trois comportements de base, explique Jean-Marc Landry. Le chien doit toujours rester à proximité immédiate, et maintenir un contact permanent avec le troupeau : il doit suivre le troupeau dans ses déplacements. Il doit être lovai avec les brebis : il ne doit ni interrompre les activités du troupeau, ni jouer avec les brebis ou agneaux, ni bien sûr les stresser ou les attaquer (absence de comportement de prédation). Il doit être protecteur, et réagir à tout ce qui est inhabituel dans son environnement : bélier ou brebis qui n'appartiennent pas au troupeau, chien errant, loup... Enfin, il doit être dissuasif, sans être agressif, surtout dans les zones fréquentées par les randonneurs.
"Naturellement, les chiens doivent dormir près de l'enclos - à l'extérieur. Les chiens doivent toujours rester avec les brebis"
La question du coût du chien de protection a été posée aux les éleveurs italiens, roumains et espagnols. Les réponses vont du "presque rien" dans les Abruzzes et dans les Carpates, à "très cher" en Espagne- 180 euros pour un chien. Et il faut beaucoup de chiens pour garder un troupeau efficacement...
Gregorio Rottolo, éleveur des Abruzzes, au sujet de son "troupeau de chiens" : "J'ai besoin de 20 chiens pour garder mon troupeau de 1300 têtes (les deux tiers pour le lait (races sarde et sicilienne), un tiers pour la viande (Mérinos ou Menzzinade) ... J'utilise 2 chiens de conduite et 18 chiens de protection de race abbruzzaine. Le prix d'achat ? Rien du tout : j'ai les mâles et les femelles. Et les nourrir ne me coûte presque rien.' ils mangent une soupe d'orge et de grain broyé avec du petit lait. Jamais de viande. Quelques restes parfois, quand il y en a, c'est tout". Gregorio Rottolo se montre très fier de ses chiens et de la fameuse race abruzzaine, ces chiens blancs " qui s'exportent partout dans le monde, jusqu'en Amérique et en Australie".
Dans les Carpates
Tous les bergers utilisent des chiens de protection - bien qu'en nombre beaucoup moins important que dans les Abruzzes. Le témoignage du berger et chef de camp rencontré dans la plaine de Brasov résume la situation et le système de protection dans les Carpates méridionales, où les attaques sont nombreuses : "J'ai sept chiens en tout, un chien de conduite, et six de protection. L 'hiver, je garde un troupeau de 180 brebis, les miennes et celles d'autres bergers, ici, dans la plaine. Du 15 mai au 15 septembre, je monte en estive à Gutanu, près de Moeciu, à mimontagne, avec un troupeau de 1000 moutons et une trentaine de vaches. Mes chiens sont très bons : j'ai des attaques presque tous les soirs en saison, mais je ne perds que deux ou trois moutons par an. Certains chiens attaquent plus l'ours, d'autres plus le loup. Les miens attaquent l'un et l'autre".
Chaque berger élève ses propres chiens, qui ne sont ni vendus, ni donnés à d'autres bergers, Avec une certaine fierté, tous les témoins insistent sur ce point : "Mes chiens sont très bons, Je pense que les autres bergers n'ont pas de bons chiens". Pourtant, en général, les chiens se reproduisent librement entre eux, avec les chiens d'autres camps de bergers, ou même avec des chiens errants. Les petits sont introduits dans le troupeau dès qu'ils peuvent marcher, et sont censés apprendre au contact des adultes. "En Roumanie, il n'existe pas de systèmes d'aide à l'acquisition de chiens de protection, constate Andrei Blumer, chargé des relations avec les collectivités locales au sein du Parc Naturel de Piatra Craiului. Mais dans le cadre du Projet Grands Carnivores des Carpates, qui démarre actuellement, nous allons essayer d'améliorer la qualité de la race canine locale, et bientôt une association pourra fournir aux bergers des chiens de race locale de bonne qualité".
Du fait de leurs techniques d'élevage, le prix de revient et de fonctionnement du chien de protection paraît peu élevé aux bergers roumains : "Je garde toujours six chiens, explique le chef de camp de Brasov cité ci-dessus. Quand il ya une naissance, je tue un vieux, J'ai toujours une femelle, que je change tous les 2 ou 3 ans. Je garde un chien au maximum jusqu'à l'âge de 7 ou 8 ans. Je leur donne à manger de la farine de maïs ou de blé et du petit lait. S'il y a une brebis morte, la laine revient au propriétaire, mais je lui demande si je peux donner la viande aux chiens".
En Espagne
Le coût d'acquisition est chiffré avec précision, notamment chez les vachers de Somiedo : "II n'y a pas d'aide administrative pour l'acquisition de chiens de protection, constate avec amertume l'éleveur Guillermo Feito. Il nous faut acheter les chiens aux moutonniers transhumants d'Extremadure, lors de leur passage annuel par ici. Le prix d'un mastin espagnol, il ya deux ans, était de 30,000 pesetas (180 euros). Il faut habituer le jeune chien dans l'étable, où il vit et dort parmi les vaches, jusqu'à l'âge de 6-8 mois. Lorsque le troupeau est à l'alpage, on monte donner à manger aux chiens tous les deux jours, en allant contrôler le bétail. Il arrive que les chiens se fassent tuer par les loups, mais c'est assez rare".
La situation et les coûts sont identiques dans la Sierra de la Culebra : d'après le chef des gardes Vincente Martellan, "les mastins espagnols sont très efficaces. Mais ils coûtent cher. " ya 10 ans, un mastin valait dans les 30 000 pesetas (180 euros) -le même prix qu'un bélier. De plus, les chiens se font parfois manger par les loups. C'est une proie plus facile que le sanglier". Il faut beaucoup de chiens pour garder les moutons dans la Sierra de la Culebra (18 chiens pour un troupeau de 1200 têtes près de Villardeciervos). Comme en Italie et en Roumanie, tous les éleveurs rencontrés nous ont affirmé que leurs chiens étaient "très bons". Pourtant, l'éthologue et spécialiste des chiens de protection Jean-Marc Landry pense qu'on pourrait souvent utiliser moins de chiens pour le même résultat: "Beaucoup de chiens sont certainement mal utilisés. Sur les 18 chiens gardant le troupeau que nous avons vu près de Villardeciervos, 3 seulement me sont apparus correctement socialisés aux brebis. Les autres semblent plutôt roder autour du troupeau, mais ne sont pas en permanence en contact avec ce dernier".