4.5 - L'importance de l'interaction végétation-herbivores












































"La présence d'une seule espèce d'herbivores - que ce soit le cerf, le mouton, ou le chevreuil - ne fait qu'entretenir des stades de blocage de la végétation, et ne suffit pas, à elle seule, à "gérer le milieu"


"L'interaction végétation-herbivore est le fond du problème - je dirais même que la question est beaucoup plus importante que le problème du prédateur" affirme Vincent Vignon, qui rappelle l' importance de la présence des grands brouteurs - les bovins - dans un contexte de végétation directement hérité du néolithique".

"II est intéressant de replacer le loup dans un contexte de prédation et d'interaction végétation-herbivores plus vaste. Il faut rappeler cette image d'Epinal des paysages préhistoriques où grands bovins, bisons, chevaux, grands cervidés etc ... parcouraient l'Eurasie et l'Amérique du Nord. Toutes ces espèces ont été relayées au néolithique par une faune nouvelle et domestiquée. L'élevage a créé des habitats de substitution pour un très grand nombre d'espèces sauvages - des espèces animales (notamment invertébrés) et végétales. C'est dans ce contexte que les végétations actuelles ont évolué. Aujourd'hui, la régression de l'élevage est l'un des grands problèmes de la biodiversité en Europe. C'est vrai pour les espèces végétales, et pour leur faune associée : un grand nombre d'espèces se maintiennent grâce aux opportunités liées aux troupeaux.

Il est intéressant de reprendre l'exemple de Somiedo, sur la chaÎne Cantabrique. Ici, en milieu OCéanique montagnard, la productivité de la végétation est très grande. On peut observer une mosaïque de milieux : alternance de pavsage ouvert (landes à bruvères, végétation abroutie par les vaches, cerfs et chevaux), de vieux bocage autour des villages, et de vieille forêt clairsemée et pâturée, dominée par le hêtre. Ces hêtraies sont intéressantes, justement parce qu'elles sont pâturées. Elles comprennent beaucoup de vieux arbres : bouleaux de 80 cm de diamètre, dont certain marcottent d'eux-mêmes, hêtres taillés en têtard, vieux houx, dont les troncs peuvent atteindre le mètre de diamètre. Le feuillage de tous ces arbres était utilisé comme fourrage. On est dans un contexte de vieille forêt pâturée, ce qui très intéressant, notamment pour les insectes - avec, dans les landes alentour, une diversité en orthoptères que je n'ai jamais vue ailleurs...

Ce contexte particulier des Asturies est très favorable au loup. Et on peut très bien imaginer que ce terrain, sans le pâturage des vaches et des chevaux, serait nettement plus homogène. Il serait moins diversifié pour la faune et la flore, également moins productif à tous les niveaux des chaÎnes alimentaires, et notamment au bout de la chaÎne, là où se situe le loup."

 

Eloge de la vache et des grands brouteurs

Pour la gestion du milieu et le maintien de la biodiversité, Vincent Vignon plaide pour l'élevage bovin, qui génère une dynamique de la Végétation profitable aux herbivores de plus petite taille : "On sait depuis le début du siècle, notamment par des études écossaises, que grâce à la présence d'un troupeau de vaches, on peut doubler le nombre des moutons sur une lande. Or, moutons et cerfs sont assez comparables par leurs mâchoires étroites: ils broutent quelques brins d'herbe à la fois, tandis que la vache, ratissant large, favorise une mosaïque d'espèces herbacées. Les vaches créent des trouées dans les tapis continus d'espèces herbacées sociales non consommées par les cerfs. 0 'autres espèces végétales vont se développer dans ces trouées, notamment des espèces importantes pour les herbivores plus sélectifs comme le chevreuil, le cerf ou le mouton. 

Ainsi, le pâturage des vaches ne constitue pas une concurrence, bien au contraire : il génère une dvnamique de la végétation profitable aux herbivores de plus petite taille. La présence d'une seule espèce d'herbivores - que ce soit le cerf. le mouton, ou le chevreuil- ne fait qu'entretenir des stades de blocage de la Végétation, et ne suffit pas, à elle seule, à "gérer le milieu."