4.3 - Le loup en phase de recolonisation . régulation des populations d'herbivores sauvages


































"Le loup peut connaÎtre une augmentation de population de 10% par an, explique le biologiste Vincent Vignon. Mais ce taux peut monter jusqu'à 40% en  phase de recolonisation"

 

Plusieurs exemples montrent que la phase de recolonisation (constitution des meutes) se traduit par un bouleversement dans la structure des populations de proies. D'où l'observation, par Vincent Vignon, d'un système de "critères de sélection des proies", permettant de comprendre et mesurer la phase de recolonisation et d'installation de meutes sur un territoire.

Pour Vincent Vignon, biologiste à l'Office de Génie Ecologique et intervenant lors de ces stages, les expériences de réintroductions de proies dans les réserves espagnoles sont édifiantes: "Voilà des territoires auxquels on donne un statut de protection, et dans lesquels on réintroduit la proie - le cerf - d'une manière totalement empirique mais finalement efficace. En Espagne, dans ces réserves de chasse créées au cours des décennies 1950-70, on peut observer les résultats d'expériences réalisées "grandeur nature" sur des superficies significatives par rapport au loup, et par rapport aux populations d'ongulés".

Vincent Vignon étudie le cerf depuis 1976, et a pu suivre l'évolution des populations de la région de Somiedo depuis 1987, au cours d'une vingtaine de voyages d'études. "Sur le secteur étudié (une zone de 650 km²), je m'étais initialement donné pour but de mieux comprendre la population de cerfs par des indicateurs assez précis, parmi les plus faciles à maÎtriser, notamment les pourcentages suivants: évolution de la proportion des mâles de 2 ans et plus dans la population, proportion de biches accompagnées d'un faon à la fin de l'été et à la fin de l'hiver. Je n'avais pas prévu d'étudier le loup. L'étude de la prédation qu'il exerce sur les ongulés m'est venue quelques années plus tard, en 1992, en constatant la formidable expansion du prédateur, la brutale diminution de la population de cerf, et en analysant l'évolution des paramètres démographiques que j'avais préalablement collectés sur ces derniers".

Dans un massif de 50 km², le cerf, réintroduit dans les années 1950, a connu une augmentation régulière de ses effectifs jusqu'au maximum de population en 1988. Mais en 1991-92, Vincent Vignon constate une importante réduction de la population. "Celle-ci s'est opérée de 1988 à 1993, passant de plus de 1000 cerfs et biches à moins de 500. On a également pu observer une modification de la structure des populations, avec une réduction de la proportion des mâles (le ratio diminuant de moitié)."

"Le loup était manifestement responsable de ces changements. En fait, à la fin des années 80, le loup était en phase de recolonisation sur la réserve de Somiedo. Jusqu'à cette date, il n 'y avait pas de meute, même si quelques individus solitaires étaient régulièrement observés. Il y a encore 15 ans, il n 'y avait que deux meutes sur la zone. Aujourd'hui, sur le secteur étudié (650 km'²), on compte jusqu'à 6 meutes, avec peut-être entre 2 et 4 loups par meute".