5.2 - En Italie : "frère Loup"


En Italie, le Parc Régional du Gigante, dans les Apennins, est encore trop récent pour qu'on songe à valoriser la présence du loup. Le Parc National des Abruzzes, par contre, applique depuis les années 1970 une stratégie rentable, résumée par le slogan "Frère Loup" - d'après la légende de St François d'Assise et du loup de Gubbio. Le fer de lance de cette stratégie est le centre-musée du Loup à Civitella Alfedena.

Créé en 1973, le Centre du Loup de Civitella Alfedena accueillait 100 000 visiteurs par an dès les premières années, 300 000 actuellement. Un succès dont Franco Tassi, Directeur du Parc National des Abruzzes est très fier, et qu'il cite en exemple: "J'avais suggéré au Parc du Mercantour de créer un centre de visite, pour intéresser les gens au loup, pour qu'on en ait moins peur. Voyez le Centre du Loup à Civitella Alfedena. Il ya 20 ans, le village était presque désert. 1/ ne recevait guère la visite que de 2 à 3 000 personnes dans l'année. Dès les premières années qui ont suivi la création du Centre, ce chiffre est passé à 100 000 visiteurs par an. Ce fut une véritable explosion touristique - grâce au loup". Quelques chiffres illustrent l'impact du centre du Loup sur ce village perché à 1200 mètres d'altitude dans les monts Marsicains : 80 habitants, âgés pour la plupart en 1973,300 habitants en 1997. Un seul commerce en 1973, 35 aujourd'hui, dont deux hotels.

Pour Franco Tassi, les retombées ne sont pas seulement touristiques ou pécuniaires: le centre contribue également à la "réhabilitation morale du loup". "Il y a moins de 30 ans encore, des rumeurs circulaient encore, ici comme ailleurs : certains racontaient qu'on relâchait des loups, qu'on les réintroduisait par hélicoptère. Il suffisait qu'un vieux du village raconte en avoir vu un, pour que tous les journaux nationaux fassent leurs gros titres sur les monts des Abruzzes assiégés par des hordes de loups.
Maintenant, c'est tout le contraire. Les gosses d'Alfedena s'initient au "wolf howling" et s'amusent à hurler comme les loups - qui leur répondent. Tous les programmes, les guides, les restaurants, les boutiques de souvenir ont pris le loup pour emblème".

Le Parc National des Abruzzes utilise ou va utiliser d'autres outils pour la mise en valeur de son capital-loup :

Aire faunistique

Pour compléter la visite du Centre du Loup à Civitella Alfadena, une aire faunistique a été installée aux abords du village: sur cet espace boisé de 4 hectares, à flanc de colline, ceinturé d'un enclos de grillage, on peut - théoriquement - observer des lynx et des loups depuis la route. Dans la pratique, il apparait que les prédateurs se montrent assez peu au public.

Télécaméras

"Nous avons installé trois télécaméras dans des points sensibles du parc, explique le Directeur du Parc Franco Tassi. Notamment aux endroits où nous apportons un complément de nourriture aux ours, à l 'automne. Avant l'hibernation, l'ours est en effet plus prédateur qu'habituellement : il a besoin de faire ses réserves en graisse. C'est un moment idéal pour l'observer à la télécaméra. Les images montrent également des passages de loups. Peut-être pourrons-nous bientôt montrer au public, en temps direct, dans une salle de projection, ces magnifiques images de la vie sauvage. Ceci me paraÎt être une utilisation possible, et intéressante, de la télécaméra".

Un label parc et un "organisme-tampon"

Francesco Gizzi, Président de la Communauté du Parc, sur cet organisme fondé en 1991 : "La Communauté du Parc a une fonction avant tout socio-économique. Nous nous occupons du bilan prévisionnel du parc dans ce domaine, des problèmes d'indemnisation des dég{Hs attribués au loup, notamment pour attirer l'attention du Ministère sur les retards d'indemnisation. Nous disposons d'un budget pour, par exemple, construire ou rénover une bergerie, en échange d'aide ou de signalisations. Nous jouons souvent le rôle d'intermédiaire entre des sociétés privées - de tourisme par exemple - et l'administration du parc. D'une manière générale, nous pensons que les activités de nos villages et de nos vallées ont trop tendance à se tourner vers le tourisme. Nous avons la volonté de diversifier les activités. Enfin, nous mettons au point un label de qualité pour les produits des Abruzzes, qui pourront ainsi bénéficier de la bonne image de marque du parc:". Cette image et ce label de qualité ne semble pas laisser les éleveurs indifférents, notamment le dynamique Gregorio Rottolo : "Je contrôle bien l'ensemble de la filière viande et lait sur mon troupeau, mais j'aimerais bien obtenir ce label de qualité dont parle M. Gizzi, dès que ce label sera en place ! ".

Histoires vécues, vues ou racontées

La visite du petit espace muséographique de Civitella Alfadena est très intéressante, notamment pour le côté éthologie/comportement du loup, et pour l'histoire des Lupari (chasseurs de loups traditionnels). Quelques imprécisions dans les cartes de répartition du loup (déjà signalé en France en ... 1970. "Présence stable du loup" dans le Piémont en 1994...). La peur du loup, solidement ancrée dans l'inconscient collectif (journaux et revues du début du siècle). yest bien mise en relief.

Parmi l'intéressante collection iconographique permettant de cerner cette peur collective, on retrouve les traces des plus récentes "apparitions" du loup dans les Abruzzes - et la distortion des faits dans la presse à sensation. Exemple édifiant, tiré de la Famiglia Christiana du 24/12/73 : I"Un automobiliste bloqué par les loups dans la nuit du 22 près de l'Aquila". Interrogé par M. Di Nunzio, alors chef des Gardes du PNA, l'automobiliste en question avait en fait vu une meute traverser la route dans la lueur des phares, 50 mètres devant sa voiture, et s'était arrêté pour les observer... En 1992, la même revue récidivait, avec sensiblement la même histoire, toujours dans les Abruzzes, mais cette fois, l'automobiliste restait bloqué 4 jours dans sa voiture !