2.4 - A la recherche d'autres solutions de protection
"L'utilisation correcte des chiens de protection est une stratégie efficace qui préserve aussi le prédateur"
"L'objectif est d'obtenir des chiens adultes qui fonctionnent bien dans n'importe quel troupeau"
On a vu à Somiedo, dans les Asturies, qu'une stratégie nouvelle et efficace de protection des bovins se développe depuis une vingtaine d'années: le troupeau est laissé seul sur l'alpage sous la seule protection des mastins. De telles expériences réjouissent Jean-Marc Landry, intervenant lors des deux stages en Espagne, et spécialiste des techniques de protection des troupeaux. Ethologue au KORA (Projets de Recherches coordonnés pour la Protection et la Gestion des Carnivores en Suisse), Jean-Marc Landry cherche à rationaliser les méthodes de protection traditionnelles qu'il a pu étudier à travers toute l'Europe. Le but est de trouver une stratégie adaptée à une situation locale particulière.
Jean-Marc Landry travaille notamment dans le Valais, où les premiers signes d'une recolonisation du loup ne sont pas passés inaperçus : "Du fait de l'extension des populations de loups en Italie du nord et en France, il a fallu trouver des méthodes pour protéger les troupeaux de moutons, En Suisse, le mode d'élevage n'est plus du tout adapté à la présence de grands prédateurs comme le loup ou le lynx : les bêtes sont laissées en estive, sans gardiennage. Pour l'instant, dans le Valais suisse, on a affaire à deux catégories d'éleveurs: l'éleveur-propriétaire qui fait tout tout seul (l'été, il met les bêtes à l'alpage et fait le foin en même temps pour les nourrir en hiver); et le pluriactif, qui élève quelques moutons, entre autres ressources. Dans tous les cas, il n 'y a pas de berger sur l'alpage. Or, avec un prédateur comme le loup, on sait bien que l'homme est indispensable. Dans ces conditions, on peut s'attendre à de gros dégâts sur les troupeaux du Valais, Dans les faits, on a pu constater une radicalisation des éleveurs dès les premiers pertes, mobilisation contre le retour du loup, actes de braconnage, etc."
Jean-Marc Landry travaille actuellement à l'introduction de chiens de protection dans les troupeaux du Valais. "L'utilisation correcte des chiens est un moyen de protection efficace qui préserve aussi le prédateur, explique-t-il. Le but est d'obtenir des chiens adultes qui fonctionnent bien dans n'importe quel troupeau". Dans le Valais, où la tradition du chien de protection s'est perdue, Jean-Marc Landry travaille aussi avec le Saint-Bernard, autrefois utilisé comme chien de ferme pour protéger les bovins et ovins, "Comme son image est omniprésente dans la région du Grand St Bernard (publicités, brochures touristiques, etc .. . ), sa présence sur l'alpage paraÎt naturelle et n'inquiète personne. En règle générale, on ne place qu'un seul chiot par troupeau, à l'âge de 8 à 10 semaines, en respectant les principes de la socialisation. Cependant, il est conseillé d'utiliser des chiots nés dans les troupeaux de moutons issus de parents déjà au travail, La période idéale pour placer un chien est juste avant l'agnelage : les agneaux, très curieux, vont s'habituer au chien dès leur naissance. Très rapidement, le chien va chercher le contact avec les brebis, les suivant à l'extérieur. Ce point est important: le chien de protection doit toujours être avec le troupeau".
La protection au cas par cas "Pour la protection, constate Jean-Marc Landry, l'idéal serait bien sûr que le berger reste en alpage avec son troupeau, que les brebis soient parquées la nuit et gardées par des chiens. Mais dans les faits, les systèmes de protection doivent être étudiés au cas par cas". En dehors de la trilogie de protection idéale, plusieurs systèmes ont été testés, avec plus ou moins de succès : • "Pour les chiens qui restent seuls, sans berger, avec le troupeau sur l'alpage ou en parcs, on a testé des nourrisseurs de granulés ou croquettes, d'une capacité d'une quinzaine de kilos - assez efficaces en règle générale ... Mais dans certains cas, tout-à-fait inutilisables, car les brebis trouvent parfois toutes les astuces pour accéder à la nourriture". • Contre le lynx, on a essayé de mettre des colliers de protection aux brebis : ça ne marche pas. • L'âne, dans un parc à moutons, pourrait être une bonne solution - du moins pendant quelque temps. Alors que le cheval attaqué par un canidé a toujours un réflexe de fuite, l'âne se met à braire devant tout ce peut lui paraÎtre inhabituel. Les moutons ont tendance à se regrouper autour de lui. Contre le lynx, le système peut apparemment fonctionner. Mais il y a des inconvénients : l'âne est joueur, parfois il joue avec les agneaux et dérange le troupeau. D'autre part, un âne entier est toujours dangereux : il faut utiliser un âne castré ou une ânesse". |
Le système du fladry Parmi les dispositifs de protection originaux, le plus étonnant est sans doute le système du fladry. Le fladry - mot qui signifie "drapeau" en Polonais - est un système d'une simplicité surprenante, et qui était autrefois utilisé pour la chasse aux loups : il s'agit d'une corde munie de petits drapeaux rouges, lâchement tendue sur des piquets à quelques dizaines de centimètres du sol. "Le loup ne passe jamais sous le fladry, explique Jean-Marc Landry. On ne sait pas pourquoi, ni comment ça marche, mais apparemment, le système fonctionne. Il a été testé à Bialowieza par le professeur Henrik Okarma, qui a réussi à isoler des loups ainsi pendant 48 heures sans qu'ils ne franchissent jamais le dispositif. Une autre expérience a été tentée au zoo de Rome, où l'on a tendu un fla dry au milieu de l'enclos aux loups. Aucun ne l'a franchi. Le plus étonnant est qu'apparemment, le f1adry n'empêche aucun animal de passer - sauf le loup". |